Le Lévite d'Ephraïm et sa femme à Gibéa.

On est un peu mal, parce que j'ai une histoire de mythologie sous la main (enfin ça vient de la Bible quoi), mais les gars ils ont pas de nom ! Du coup je vais te raconter la merveilleuse histoire de Monsieur et Madame X.
Enfin je vais un peu vite en besogne, au début c'est Monsieur X et Mademoiselle Y.
Le Lévite d'Ephraïm et sa femme,
Bibliothèque municipale de Lyon
 Monsieur X habite au fond d'une montagne (j'ai pas bien compris ce que ça veut dire, "au fond d'une montagne", c'est au bout d'un tunnel sous la montagne, genre mine de la Moria ?), et un jour il décide de se marier, donc il va à la ville, et là il rencontre Mlle Y,  il la prend pour concubine, et paf on se retrouve avec Monsieur et Madame X.
Ils habitent tous les deux au fond de la montagne, mais un jour, ils se disputent. On sait pas pourquoi, peut-être que Monsieur X laissait traîner ses vêtements sales dans toute la maison et ça énervait Madame X, en tout cas celle-ci décide de repartir fissa chez son père à Bethléem.

Monsieur X, au bout d'un moment, décide d'aller récupérer sa concubine et se met en route vers Bethléem.
Mais bon il attend quand même quatre mois avant d'y aller, ça avait pas l'air l'amour fou entre ces deux-là. Mais nous ne sommes pas là pour juger !
Donc Monsieur X prend son serviteur, deux ânes, et il se met en route vers chez beau-papa (c'est-à-dire Monsieur Y, si tu suis bien). Monsieur Y était sûrement en train d'espionner ses voisins par la fenêtre à ce moment-là, parce que monsieur X a même pas encore sonné que beau-papa est déjà à la porte en train de lui faire plein de coucous et de lui mettre de grandes claques dans le dos.

D'ailleurs, Monsieur Y aime tellement son gendre qu'il l'invite à rester deux-trois jours à la maison. Pendant ce temps-là, ils boivent, ils mangent, et puis c'est tout. Le quatrième jour, Monsieur X se lève hyper tôt pour rentrer chez lui, mais beau-papa lui dit : "tu vas quand même pas prendre la route le ventre vide ! Mange un bout de pain avant de partir !"
[Aparté : tu remarques quand même que le gugusse est venu récupérer sa femme, et depuis qu'il est arrivé il fait rien qu'à manger avec son beau-père et il a même pas adressé la parole à sa femme, qui est quand même censée être tellement fâchée contre lui que ça fait quatre mois qu'elle a quitté le domicile conjugal.]
Du coup Monsieur X décide de manger un petit truc avec son beau-père (mais sans sa femme). Et pendant le casse-croûte, monsieur Y lui dit : "Allez, reste encore cette nuit, on va se faire un petit Scrabble et tout, ça sera sympa !"
Monsieur X il est pas chaud-chaud, mais beau-papa insiste et du coup il finit par accepter. Monsieur Y était très très seul on dirait.

Le lendemain matin, le cinquième jour déjà, même topo, Monsieur X se lève tôt pour prendre la route, mais beau-papa (ça serait quand même hyper plus simple si ces gens-là avaient des noms, n'empêche) lui dit de prendre quand même un petit-déj'.
Alors hop ils se mettent à table (sans Madame X encore une fois, on sait pas ce qu'elle fait de ses journées celle-là). Ils mangent un petit bout de main, et ils devaient manger hyper lentement ou je sais pas, mais figure-toi que quand ils ont fini leur dégustation, la nuit tombe !
Mais Monsieur X commence à trouver le beau-père un peu saoulant, et du coup il s'en fout s'il va faire nuit, il prend ses cliques, ses claques, son serviteur, ses ânes et sa femme et ils se mettent en route.

Le crépuscule est de plus en plus sombre, et pendant qu'ils passent près de Jérusalem, le serviteur dit "Maître, maître, faudrait peut-être qu'on s'arrête en ville pour la nuit, on a oublié les sardines pour planter la tente !" Mais Monsieur X il dit qu'il veut pas aller à Jérusalem parce que c'est rien que des étrangers dans cette ville, alors plutôt ils vont continuer leur chemin jusqu'à Gibéa parce que là-bas les gens sont cools (ouais, c'est ce qu'on va voir).
Ils marchent, ils marchent, et ils arrivent à Gibéa, pile poil poule quand la nuit tombe (ils ont marché 20 bornes pendant que le soleil se couchait, soit ils sont méga prestes, soit on se moque un peu de nous sur les horaires, mais je pense qu'il y a un truc). Là, Monsieur X fait comme toute personne qui chercherait l'hospitalité : il se pose sur la place du village et il attend que quelqu'un lui propose de l'héberger, avec ses ânes son serviteur et sa femme.
Étrangement, personne se précipite pour leur proposer un toit (ils ont peut-être pas une maison avec deux chambres d'amis et une écurie d'amis, tous les gens).

Thievaert, Le laboureur de Gibéa offrant l'hospitalité au Lévite et sa femme,
Musée des Beaux-Arts de Boston
Heureusement, là y'a un petit vieux qui passe en rentrant du travail, il demande à monsieur X ce qu'il fait là, c'est la fête ou quoi, et Monsieur X lui explique qu'il rentre chez lui, et là il cherche un toit pour la nuit, et personne lui propose, alors que pourtant il a de la paille pour ses ânes et du vin pour lui, alors bon c'est pas trop sympa quoi.
Comme tout le monde sait que les petits vieux c'est gentil, ledit petit vieux lui dit "oh bah viens chez moi, c'est cool", et voilà donc notre monsieur X avec ses ânes son serviteur et sa femme chez leur hôte. Là, ils se lavent les pieds (ils avaient beaucoup marché et ça existait pas encore le déodorant pour pieds, ou les chaussures qui respirent, ceci explique cela), ils mangent et ils boivent (Madame X aussi ! ça mérite d'être noté.)

Pendant ce temps-là, les gens de la ville, des vauriens, se pointent autour de la maison du petit vieux, ils frappent à la porte, et ils lui disent "passe-nous ton invité, on veut se le taper" (en gros). Note les gars un peu neuneus, Monsieur X a squatté trois heures sur la place du village en attendant que quelqu'un l'héberge, et personne s'est approché de lui, mais il suffit qu'il ait les pieds propres pour que leurs ardeurs s'éveillent.
Le petit vieux refuse. Étrangement. Mais bon il est gentil quand même, alors il leur dit "réfléchissez un petit peu, les gars ! Si vous lui faites du mal, vous serez des criminels ! Alors à la place je vous propose ma fille, elle est vierge, vous pouvez abuser d'elle et faire ce que vous voulez avec, c'est cool."
Mais ils veulent pas les habitants, c'est Monsieur X qui les intéresse !

Heureusement, Monsieur X a une idée de génie. Il attrape sa femme et il la vire de la maison pour la donner aux vauriens. Les vauriens sont jouasses, apparemment ils avaient des affinités avec la famille X, donc ils s'amusent bien avec Madame, viol collectif, tout ça tout ça, jusqu'au lever du soleil, puis ils rentrent chez eux. Pendant ce temps, Monsieur X avait super bien dormi, il se lève guilleret et prépare son baluchon pour partir, puis il ouvre la porte de la maison, et là il voit sa femme en train d'agoniser sur le seuil de la porte. Il la regarde, puis il lui dit "Lève-toi, et partons !"
Mais sa femme réagit pas !
Vraiment, elle fait aucun effort quoi, elle pourrait arrêter de mourir cinq minutes pour se remettre en route ! Mais non.

Bon alors Monsieur X la soulève, l'installe sur un des ânes, et ils se remettent en route pour rentrer au fond de la montagne. Une fois rentrés chez eux, il décharge sa femme de l'âne, prend un couteau bien aiguisé, et il la découpe en douze morceaux.


Alexandre Caminade,  Le Lévite d’Ephraïm méditant de venger sa femme [...],
Musée des Beaux-Arts de Lyon

 FIN 

(Haaaa ça met en joie ce genre d'historiette quand même, avoue.)

(En fait après il veut aller se venger et tout, même si tout est de sa faute, mais on verra peut-être ça un autre jour.)

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